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L'anecdote du jour

L'épisode Le cerveau (s12) nous apprend qu'Homer dans son état de stupidité habituel, a un Q.I. de seulement 55 !

Les Simpson à la TV

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Interview de Christian Dura

Très occupé par son emploi du temps, Christian Dura a bien voulu nous accorder une petite interview afin que l'on puisse mieux comprendre son métier et par conséquent son remarquable travail de direction artistique sur Les Simpson. En dehors des Simpson, il continue à travailler pour le music-hall, le théâtre et la télévision en tant qu'auteur, producteur et/ou metteur en scène. Le cinéma lui est tout aussi familier étant donné qu'il continue à signer les adaptations françaises et les dialogues et/ou assurer la direction artistique de très nombreux films étrangers parmi lesquels la majorité des films de Steven Spielberg (E.T., Indiana Jones, La Liste de Schindler, Le Terminal,...), de Clint Eastwood (Bird, Impitoyable, Mystic river,...), de James Cameron (Terminator 2, Abyss, Titanic,...), de Ridley Scott (Blade Runner, Alien, Gladiator), sans oublier les films mythiques que sont L'empire contre-attaque et Le retour du Jedi.

The Simpsons Park : Est-ce que vous pouvez nous expliquer votre travail en tant que directeur artistique sur la série ?
Christian Dura : Pauly Platt, qui était la productrice exécutive chez Gracie Films, est arrivée en France fin 89 avec une proposition de la Fox d'acheter la série, si elle trouvait un contrat de vente et un doublage. Ils prospectaient sur l'Europe pour savoir s'ils allaient la doubler ou pas.
On a vu les 3 premières cassettes. La maison de doublage a eu beaucoup de mal au début à comprendre ce qu'il fallait faire car il n'y avait aucune indication d'âge des personnages, ils étaient jaunes, bleus : des couleurs qui n'existaient pas à l'époque dans ce type de programme. On a donc fait des essais par exemple avec des gens de 25 à 40 ans pour Homer. C'était la première fois que j'acceptais de faire de la télé parce que je ne travaillais que sur des longs-métrages. Mon rôle a donc été d'abord de trouver les voix, ce qui n'a pas été facile. Et quand on parle de trouver les voix, c'est trouver les caractères des personnages, les comédiens, pas les voix, parce que souvent on se dit qu'un doublage, c'est simplement une voix et c'est ça qui m'a intéressé. Avant ça, j'avais déjà écrit deux dessins animés pour adultes qui étaient un peu connus, c'était "La honte de la jungle" et "Le chaînon manquant" avec un grand réalisateur belge qui s'appelait Picha, qui est aussi un grand dessinateur. J'avais donc déjà fait des recherches pour des voix, en trouvant comment peut être interprété un personnage qui est un dessin. Il se trouve qu'on a eu la chance de faire de très bons essais et qu'on a trouvé Philippe Peythieu, Véronique Augereau, Joëlle Guigui et Aurélia Bruno. Ensuite, on a décidé avec Pauly Platt, comme les américains l'avait fait, de constituer une troupe de comédiens. Donc mon travail consistait à trouver les personnages puis de leur donner un style, c'est pour cela qu'on a tout de suite pris de très bons dialoguistes qui sont Juliette Vigouroux et Alain Cassard. On a mis à peu près 2 à 3 ans pour trouver le bon style. D'ailleurs les fans s'en rendent comptent facilement en regardant les épisodes. Mais il n'a pas fallu qu'adapter la série, il fallait aussi lui trouver un ton ; trouver comment Bart allait parler sans dire de gros mots tout en étant insolent. Enfin on essaie du moins, c'est pas toujours facile d'être dans l'actualité et de ne pas en dire.

TSP : Qu'en est-il des autres personnages ?
CD : Ce qu'il faut savoir c'est que les personnages récurrents comme M. Burns, le chef Wiggum, le maire, etc, étaient des invités durant les premières années. Peu à peu le village s'est constitué et on a pris le principe de ne travailler qu'avec 8 comédiens pour l'ensemble des personnages. C'est sur cette base que je dois travailler pour chaque épisode, chaque année, pour décider quel comédien va faire quel personnage. Et voilà donc le travail de directeur artistique. Il faut tout le temps leur rappeler qui fait quoi, comment, et à chaque fois retrouver les intonations des personnages. Il ne faut pas laisser passer de faux sens, il ne faut pas laisser passer de choses fausses vis-à-vis de l'histoire et il faut toujours essayer de trouver le plus possible le style qui va avec et au fur et à mesure des années, Alain et Juliette ont été de plus en plus dedans. Mais ça reste un travail en commun, même si on ne travaille pas ensemble. Ils regardaient beaucoup ce qu'on faisait pour ensuite reprendre le fil car on a de temps en temps trouvé des choses sur le plateau. Les "va te faire shampouiner" et les "cool Raoul" n'étaient pas du tout présents au début. C'est vraiment un travail d'équipe : comédien, directeur artistique et dialoguiste.

TSP : Vous avez mis un peu de temps avant de trouver le comédien qui allait doubler Homer. Racontez-nous comment cela s'est déroulé.
CD : Oui. On a d'abord fait une série d'essais, Philippe n'était pas encore dans le casting. La première série s'est déroulée d'ailleurs sans moi. C'est en voyant qu'elle n'allait pas que Pauly Platt a demandé qu'on en fasse une autre. Cela dit, ils avaient envoyé une cassette en espagnol, ce qui est aberrant. Ils l'avaient fait parce qu'ils avaient doublé les premiers épisodes en espagnol suite à un contrat avec une chaîne sud-américaine. A l'époque, en 1988-89, les américains n'avaient pas une très grande estime de l'Europe, à part certains comme Spielberg, Lucas ou Clint Eastwood qui savaient que ça servait à quelque chose de se faire remarquer en France ou en Europe. Mais les américains faisaient leur succès sur leur territoire et le reste, ils s'en intéressaient peu. D'autant plus que les séries télé ne sont arrivées en France qu'à cette époque-là. C'est le lancement des télés privées et du câble qui a ouvert les portes au doublage français.

TSP : Pourriez-nous nous expliquer les étapes successives du doublage des Simpson ?
CD : Quand on a une série qui dure depuis aussi longtemps, la façon de travailler est très simple, c'est toujours la même : on reçoit deux cassettes originales, l'une accompagnée de la bande son sans les dialogues, avec uniquement les ambiances, la musique, les effets spéciaux et l'autre avec l'image. Je visionne le tout pour déterminer quels sont les rôles à distribuer aux comédiens. Parallèlement, les dialoguistes font l'adaptation, que je relis la veille ou l'avant-veille sur le plateau. Ensuite les comédiens arrivent pour enregistrer les paroles, les dialogues, les ambiances, les cris. Tout est refait pour que ça donne la même couleur vocale que le texte. Il nous arrive de changer des petites choses sur le plateau, mais ça reste plutôt rare. Puis l'ensemble va au mixage pour que la version française soit mixée avec les effets spéciaux et la musique ; le tout est enregistré sur une nouvelle bande son entièrement en français. C'est la base de tous les doublages.

TSP : Vous travaillez sur quel support ?
CD : ça dépend des fois. On travaille généralement sur des 3/4 de pouce. Ca dépend des studios dans lesquels on enregistre.

TSP : à part le doublage, on peut remarquer la présence de sous-titres qui sont généralement la traduction de panneaux. Savez-vous qui s'occupe de cette étape ?
CD : Pendant 10 ans, c'était supervisé par un américain, maintenant ils nous font confiance et à chaque fois qu'il s'agit de sous-titrer un texte, ce sont les auteurs qui font les traductions. Ensuite c'est la Fox qui s'en occupe aux Etats-Unis. Une fois le produit fini, elle remet les épisodes à Canal+.

TSP : Les acteurs découvrent-ils les textes sur place ?
CD : Oui, au dernier moment. C'est un vrai métier.

TSP : Est-ce qu'il vous arrive de faire des corrections sur le texte ?
CD : C'est mon rôle. J'en fais très peu car nous avons des dialoguistes qui sont totalement habitués au style. Mais au début on a travaillé plus ou moins ensemble. Ce n'est pas vraiment des corrections, c'est trouver des choses sur le plateau qui collent mieux. Moi je suis aussi auteur et je sais aussi qu'on peut changer mon texte.

TSP : Pouvez-vous nous expliquer pour quelles raisons le doublage de la série est passé par plusieurs sociétés de doublage ?
CD : PM Productions est la société qui avait décroché le doublage de la série lorsqu'elle est arrivée en France mais ils ont eu des problèmes financiers, comme pas mal de maisons, et ils ont du déposer le bilan. A partir de ce moment, la Fox a confié le doublage à la SOFI tout en gardant l'équipe au complet. On peut les leur en remercier.

TSP : Pourquoi vous n'essayez pas de faire venir des comédiens qui doublent des vedettes ?
CD : On le fait, mais uniquement quand leur rôle est important, lorsqu'il y a de quoi leur payer un cachet. On a pu le faire avec les comédiens qui doublent habituellement Richard Gere, Mel Gibson, David Duchovny et Gilian Anderson... Dans le cas contraire les comédiens sur le plateau essaient de se rapprocher de leur voix.

TSP : Il y a d'autres doubleurs qui sont apparus ponctuellement. Par exemple Hervé Caradec a remplacé Guillemin sur un ou deux épisodes.
CD : [dubitatif] Il l'a peut-être remplacé une fois il y a 12 ou 13 ans. C'est Possible. Il était peut-être en tournage et comme il fallait absolument livrer la bande son donc on a du prendre un remplaçant. Mais c'est très rare.

TSP : Et Aurélia Bruno, pourquoi a-t-elle été remplacée sur 3 épisodes ?
CD : Parce qu'elle était enceinte pendant le doublage et c'est Annabelle Roux qui l'a remplacé.

TSP : Savez-vous à quelle période Alain Cassard et Juliette Vigouroux commencent à travailler sur la VF ?
CD : étant donné que nous on commence le doublage en mars, ils doivent débuter en février ou mars, mais bon ça dépend des années.

TSP : Et ils travaillent à partir d'une vidéo ou d'un script ?
CD : D'une vidéo.

TSP : Ce sont eux aussi qui traduisent les titres ?
CD : Oui. Ils font des propositions à la Fox et elle décide de les garder ou de les changer. Pendant quelques années il y a eu un superviseur américain qui faisait la relecture des adaptations et donnait son avis mais ce n'est plus le cas depuis quelques temps.

TSP : On peut parfois remarquer que les titres des épisodes sont différents selon le support d'exploitation. Par exemple, entre la diffusion télé et l'édition vidéo ou DVD. Savez-vous pour quelles raisons ?
CD : ça c'est indépendant de notre volonté, et il se passe plein de choses comme ça. Ce qu'il faut bien comprendre c'est que la Fox qui détient les droits de diffusions n'a rien à voir avec Fox Pathé Europa qui distribue la série en vidéo et DVD et qu'ils ne travaillent pas forcément main dans la main. On peut donc imaginer que le marketing a dû modifier certains titres.

TSP : Dans la saison 6 il y a eu 3 épisodes qui sont restés inédits en France et on ne sait toujours pas pourquoi. Ce qui est certain c'est qu'un d'entre eux, en l'occurrence "Burns fait son cinéma", a été redoublé pour la sortie DVD de Les Simpson Festival. Est-ce que vous l'avez doublé dernièrement où l'était-il déjà ?
CD : Non il n'était pas doublé et on a du le faire.

TSP : Avez-vous une idée de la raison de ces épisodes inédits ?
CD : Non. Il faut croire qu'il y a eu une année où ils en ont fait 3 de moins. Nous en général on en fait 22.

TSP : Là encore, c'est la Fox qui décide de ce qu'elle vous envoie ?
CD : Oui. C'est elle qui prend ces décisions.

TSP : Qui travaille avec vous sur le plateau, en dehors des comédiens ?
CD : Il y a uniquement l'ingénieur du son. Mais ils changent souvent. En fait cela dépend des studios où l'on fait le doublage. Suivant ces derniers, l'ingénieur du son est différent.

TSP : On remarque parfois dans certains épisodes que les rires des personnages proviennent de la version originale. Comment se fait-il que ce ne soit pas les rires des comédiens français ?
CD : ça ça dépend. Le comédien double tout y compris les rires. Cependant, il y a parfois des cas où la bande son est de mauvaise qualité dans la VI (ndlr : Version Internationale), et à ce moment-là on préfère reprendre la VO et c'est là que vous entendez la différence de tonalité de voix. Si on ne procédait pas ainsi on serait obligé de baisser le niveau de la musique pour garder le rire doublé par le comédien. De toute façon c'est au mixage que se fait le choix. Personnellement, je préfère que l'on fasse du spectacle que d'avoir à tout prix la bonne voix que les fans vont peut-être entendre au détriment parfois d'une musique de qualité.

TSP : Pour quelles raisons ne retrouve-t-on pas le doublage original dans les épisodes constitués de flash-back ?
CD : ça c'est un problème car on n'a pas les moyens de récupérer ce qu'on a fait des années auparavant, donc on est contraint de redoubler la totalité de l'épisode. Il nous est très difficile de retrouver les anciens doublages parce que tous les épisodes sont archivés aux états-Unis.

TSP : Est-ce que pour vous il y a certains épisodes qui sont plus difficiles à doubler ?
CD : Oh oui. Ce qui est le plus difficile à doubler c'est quand il y a des chansons, parce que c'est toujours difficile à faire, mais c'est malgré tout quelque chose qu'on adore faire. Il y a aussi les voix des personnages connus. Les comédiens essayent de s'en rapprocher le plus parce qu'on sait qu'il y a des fans qui y sont attentifs. Sinon, il y a aussi le travail sur les jeux de mots qui n'est pas toujours facile à trouver. A mon avis la série fonctionne bien parce qu'on est une équipe qui fait ça depuis le début. Si on la changeait aujourd'hui, vous n'auriez pas un résultat aussi bien parce que la série est quand même difficile à doubler, cela dit ça reste passionnant de travailler sur Les Simpson. Si on arrive à un aussi bon résultat c'est aussi parce que la Fox nous laisse carte blanche. J'ai le double de temps de travail sur le doublage des Simpson par rapport à n'importe quelque autre série.

TSP : Est-ce que vous avez déjà rencontré des gens de Gracie Films?
CD : Je suis le seul qui ait rencontré tout le monde car ce sont eux qui m'ont engagé. J'ai rencontré le frère de Matt Groening et les deux dessinateurs principaux qui sont venus en France avec Pauly Platt, la productrice déléguée.

TSP : Qu'est-ce que vous vous êtes dit quand vous avez vu les Simpson la première fois ?
CD : J'avais jamais fait de télévision avant et j'ai accepté d'en faire donc je ne peux pas dire que j'ai eu une mauvaise impression. J'ai eu l'impression que c'était quelque chose de tellement nouveau que ça allait m'intéresser. Mais j'ai cru vraiment le faire juste pour 3 mois. Autant j'étais intéressé parce que c'était intelligent, satirique,... enfin tout ce que j'aime et tout ce que j'ai fait. C'était vraiment quelque chose à l'époque qui me passionnait. Mais je pensais que au bout d'une saison ça serait fini.

» Cette interview a été réalisée par Neotheone le 21 septembre 2004 et retranscrite par Bart le Tombeur.

Article publié le 24 septembre 2004 par Neotheone.
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