The Simpsons Park : Est-ce 
                  que vous pouvez nous expliquer votre travail en tant que directeur 
                  artistique sur la série ?
                  Christian Dura : Pauly Platt, qui était la 
                  productrice exécutive chez Gracie Films, est arrivée 
                  en France fin 89 avec une proposition de la Fox d'acheter la 
                  série, si elle trouvait un contrat de vente et un doublage. 
                  Ils prospectaient sur l'Europe pour savoir s'ils allaient la 
                  doubler ou pas. 
                  On a vu les 3 premières cassettes. La maison de doublage 
                  a eu beaucoup de mal au début à comprendre ce 
                  qu'il fallait faire car il n'y avait aucune indication d'âge 
                  des personnages, ils étaient jaunes, bleus : des couleurs 
                  qui n'existaient pas à l'époque dans ce type de 
                  programme. On a donc fait des essais par exemple avec des gens 
                  de 25 à 40 ans pour Homer. C'était la première 
                  fois que j'acceptais de faire de la télé parce 
                  que je ne travaillais que sur des longs-métrages. Mon 
                  rôle a donc été d'abord de trouver les voix, 
                  ce qui n'a pas été facile. Et quand on parle de 
                  trouver les voix, c'est trouver les caractères des personnages, 
                  les comédiens, pas les voix, parce que souvent on se 
                  dit qu'un doublage, c'est simplement une voix et c'est ça 
                  qui m'a intéressé. Avant ça, j'avais déjà 
                  écrit deux dessins animés pour adultes qui étaient 
                  un peu connus, c'était "La honte de la jungle" 
                  et "Le chaînon manquant" avec un grand réalisateur 
                  belge qui s'appelait Picha, qui est aussi un grand dessinateur. 
                  J'avais donc déjà fait des recherches pour des 
                  voix, en trouvant comment peut être interprété 
                  un personnage qui est un dessin. Il se trouve qu'on a eu la 
                  chance de faire de très bons essais et qu'on a trouvé 
                  Philippe Peythieu, Véronique Augereau, Joëlle Guigui 
                  et Aurélia Bruno. Ensuite, on a décidé 
                  avec Pauly Platt, comme les américains l'avait fait, 
                  de constituer une troupe de comédiens. Donc mon travail 
                  consistait à trouver les personnages puis de leur donner 
                  un style, c'est pour cela qu'on a tout de suite pris de très 
                  bons dialoguistes qui sont Juliette Vigouroux et Alain Cassard. 
                  On a mis à peu près 2 à 3 ans pour trouver 
                  le bon style. D'ailleurs les fans s'en rendent comptent facilement 
                  en regardant les épisodes. Mais il n'a pas fallu qu'adapter 
                  la série, il fallait aussi lui trouver un ton ; trouver 
                  comment Bart allait parler sans dire de gros mots tout en étant 
                  insolent. Enfin on essaie du moins, c'est pas toujours facile 
                  d'être dans l'actualité et de ne pas en dire. 
                
TSP : Qu'en est-il 
                  des autres personnages ?
                  CD : Ce qu'il faut savoir c'est que les personnages 
                  récurrents comme M. Burns, le chef Wiggum, le maire, 
                  etc, étaient des invités durant les premières 
                  années. Peu à peu le village s'est constitué 
                  et on a pris le principe de ne travailler qu'avec 8 comédiens 
                  pour l'ensemble des personnages. C'est sur cette base que je 
                  dois travailler pour chaque épisode, chaque année, 
                  pour décider quel comédien va faire quel personnage. 
                  Et voilà donc le travail de directeur artistique. Il 
                  faut tout le temps leur rappeler qui fait quoi, comment, et 
                  à chaque fois retrouver les intonations des personnages. 
                  Il ne faut pas laisser passer de faux sens, il ne faut pas laisser 
                  passer de choses fausses vis-à-vis de l'histoire et il 
                  faut toujours essayer de trouver le plus possible le style qui 
                  va avec et au fur et à mesure des années, Alain 
                  et Juliette ont été de plus en plus dedans. Mais 
                  ça reste un travail en commun, même si on ne travaille 
                  pas ensemble. Ils regardaient beaucoup ce qu'on faisait pour 
                  ensuite reprendre le fil car on a de temps en temps trouvé 
                  des choses sur le plateau. Les "va te faire shampouiner" 
                  et les "cool Raoul" n'étaient pas du tout présents 
                  au début. C'est vraiment un travail d'équipe : 
                  comédien, directeur artistique et dialoguiste.
TSP : Vous avez mis 
                  un peu de temps avant de trouver le comédien qui allait 
                  doubler Homer. Racontez-nous comment cela s'est déroulé.
                  CD : Oui. On a d'abord fait une série 
                  d'essais, Philippe n'était pas encore dans le casting. 
                  La première série s'est déroulée 
                  d'ailleurs sans moi. C'est en voyant qu'elle n'allait pas que 
                  Pauly Platt a demandé qu'on en fasse une autre. Cela 
                  dit, ils avaient envoyé une cassette en espagnol, ce 
                  qui est aberrant. Ils l'avaient fait parce qu'ils avaient doublé 
                  les premiers épisodes en espagnol suite à un contrat 
                  avec une chaîne sud-américaine. A l'époque, 
                  en 1988-89, les américains n'avaient pas une très 
                  grande estime de l'Europe, à part certains comme Spielberg, 
                  Lucas ou Clint Eastwood qui savaient que ça servait à 
                  quelque chose de se faire remarquer en France ou en Europe. 
                  Mais les américains faisaient leur succès sur 
                  leur territoire et le reste, ils s'en intéressaient peu. 
                  D'autant plus que les séries télé ne sont 
                  arrivées en France qu'à cette époque-là. 
                  C'est le lancement des télés privées et 
                  du câble qui a ouvert les portes au doublage français.
TSP : Pourriez-nous 
                  nous expliquer les étapes successives du doublage des 
                  Simpson ?
                  CD : Quand on a une série qui dure depuis 
                  aussi longtemps, la façon de travailler est très 
                  simple, c'est toujours la même : on reçoit deux 
                  cassettes originales, l'une accompagnée de la bande son 
                  sans les dialogues, avec uniquement les ambiances, la musique, 
                  les effets spéciaux et l'autre avec l'image. Je visionne 
                  le tout pour déterminer quels sont les rôles à 
                  distribuer aux comédiens. Parallèlement, les dialoguistes 
                  font l'adaptation, que je relis la veille ou l'avant-veille 
                  sur le plateau. Ensuite les comédiens arrivent pour enregistrer 
                  les paroles, les dialogues, les ambiances, les cris. Tout est 
                  refait pour que ça donne la même couleur vocale 
                  que le texte. Il nous arrive de changer des petites choses sur 
                  le plateau, mais ça reste plutôt rare. Puis l'ensemble 
                  va au mixage pour que la version française soit mixée 
                  avec les effets spéciaux et la musique ; le tout est 
                  enregistré sur une nouvelle bande son entièrement 
                  en français. C'est la base de tous les doublages.
TSP : Vous travaillez 
                  sur quel support ?
                  CD : ça dépend des fois. On travaille 
                  généralement sur des 3/4 de pouce. Ca dépend 
                  des studios dans lesquels on enregistre.
TSP : à part 
                  le doublage, on peut remarquer la présence de sous-titres 
                  qui sont généralement la traduction de panneaux. 
                  Savez-vous qui s'occupe de cette étape ?
                  CD : Pendant 10 ans, c'était supervisé 
                  par un américain, maintenant ils nous font confiance 
                  et à chaque fois qu'il s'agit de sous-titrer un texte, 
                  ce sont les auteurs qui font les traductions. Ensuite c'est 
                  la Fox qui s'en occupe aux Etats-Unis. Une fois le produit fini, 
                  elle remet les épisodes à Canal+.
TSP : Les acteurs 
                  découvrent-ils les textes sur place ?
                  CD : Oui, au dernier moment. C'est un vrai 
                  métier.
TSP : Est-ce qu'il 
                  vous arrive de faire des corrections sur le texte ?
                  CD : C'est mon rôle. J'en fais très 
                  peu car nous avons des dialoguistes qui sont totalement habitués 
                  au style. Mais au début on a travaillé plus ou 
                  moins ensemble. Ce n'est pas vraiment des corrections, c'est 
                  trouver des choses sur le plateau qui collent mieux. Moi je 
                  suis aussi auteur et je sais aussi qu'on peut changer mon texte.
TSP : Pouvez-vous 
                  nous expliquer pour quelles raisons le doublage de la série 
                  est passé par plusieurs sociétés de doublage 
                  ?
                  CD : PM Productions est la société 
                  qui avait décroché le doublage de la série 
                  lorsqu'elle est arrivée en France mais ils ont eu des 
                  problèmes financiers, comme pas mal de maisons, et ils 
                  ont du déposer le bilan. A partir de ce moment, la Fox 
                  a confié le doublage à la SOFI tout en gardant 
                  l'équipe au complet. On peut les leur en remercier.
TSP : Pourquoi vous 
                  n'essayez pas de faire venir des comédiens qui doublent 
                  des vedettes ?
                  CD : On le fait, mais uniquement quand leur 
                  rôle est important, lorsqu'il y a de quoi leur payer un 
                  cachet. On a pu le faire avec les comédiens qui doublent 
                  habituellement Richard Gere, Mel Gibson, David Duchovny et Gilian 
                  Anderson... Dans le cas contraire les comédiens sur le 
                  plateau essaient de se rapprocher de leur voix.
TSP : Il y a d'autres 
                  doubleurs qui sont apparus ponctuellement. Par exemple Hervé 
                  Caradec a remplacé Guillemin sur un ou deux épisodes.
                  CD : [dubitatif] Il l'a peut-être remplacé 
                  une fois il y a 12 ou 13 ans. C'est Possible. Il était 
                  peut-être en tournage et comme il fallait absolument livrer 
                  la bande son donc on a du prendre un remplaçant. Mais 
                  c'est très rare.
TSP : Et Aurélia 
                  Bruno, pourquoi a-t-elle été remplacée 
                  sur 3 épisodes ?
                  CD : Parce qu'elle était enceinte pendant 
                  le doublage et c'est Annabelle Roux qui l'a remplacé.
TSP : Savez-vous à 
                  quelle période Alain Cassard et Juliette Vigouroux commencent 
                  à travailler sur la VF ?
                  CD : étant donné que nous on 
                  commence le doublage en mars, ils doivent débuter en 
                  février ou mars, mais bon ça dépend des 
                  années.
TSP : Et ils travaillent 
                  à partir d'une vidéo ou d'un script ?
                  CD : D'une vidéo.
TSP : Ce sont eux 
                  aussi qui traduisent les titres ?
                  CD : Oui. Ils font des propositions à 
                  la Fox et elle décide de les garder ou de les changer. 
                  Pendant quelques années il y a eu un superviseur américain 
                  qui faisait la relecture des adaptations et donnait son avis 
                  mais ce n'est plus le cas depuis quelques temps.
TSP : On peut parfois 
                  remarquer que les titres des épisodes sont différents 
                  selon le support d'exploitation. Par exemple, entre la diffusion 
                  télé et l'édition vidéo ou DVD. 
                  Savez-vous pour quelles raisons ?
                  CD : ça c'est indépendant de 
                  notre volonté, et il se passe plein de choses comme ça. 
                  Ce qu'il faut bien comprendre c'est que la Fox qui détient 
                  les droits de diffusions n'a rien à voir avec Fox Pathé 
                  Europa qui distribue la série en vidéo et DVD 
                  et qu'ils ne travaillent pas forcément main dans la main. 
                  On peut donc imaginer que le marketing a dû modifier certains 
                  titres.
TSP : Dans la saison 
                  6 il y a eu 3 épisodes qui sont restés inédits 
                  en France et on ne sait toujours pas pourquoi. Ce qui est certain 
                  c'est qu'un d'entre eux, en l'occurrence "Burns fait son 
                  cinéma", a été redoublé pour 
                  la sortie DVD de Les Simpson Festival. Est-ce que vous l'avez 
                  doublé dernièrement où l'était-il 
                  déjà ?
                  CD : Non il n'était pas doublé 
                  et on a du le faire.
TSP : Avez-vous une 
                  idée de la raison de ces épisodes inédits 
                  ?
                  CD : Non. Il faut croire qu'il y a eu une année 
                  où ils en ont fait 3 de moins. Nous en général 
                  on en fait 22.
TSP : Là encore, 
                  c'est la Fox qui décide de ce qu'elle vous envoie ?
                  CD : Oui. C'est elle qui prend ces décisions.
TSP : Qui travaille 
                  avec vous sur le plateau, en dehors des comédiens ?
                  CD : Il y a uniquement l'ingénieur du 
                  son. Mais ils changent souvent. En fait cela dépend des 
                  studios où l'on fait le doublage. Suivant ces derniers, 
                  l'ingénieur du son est différent.
TSP : On remarque 
                  parfois dans certains épisodes que les rires des personnages 
                  proviennent de la version originale. Comment se fait-il que 
                  ce ne soit pas les rires des comédiens français 
                  ?
                  CD : ça ça dépend. Le 
                  comédien double tout y compris les rires. Cependant, 
                  il y a parfois des cas où la bande son est de mauvaise 
                  qualité dans la VI (ndlr : Version Internationale), 
                  et à ce moment-là on préfère reprendre 
                  la VO et c'est là que vous entendez la différence 
                  de tonalité de voix. Si on ne procédait pas ainsi 
                  on serait obligé de baisser le niveau de la musique pour 
                  garder le rire doublé par le comédien. De toute 
                  façon c'est au mixage que se fait le choix. Personnellement, 
                  je préfère que l'on fasse du spectacle que d'avoir 
                  à tout prix la bonne voix que les fans vont peut-être 
                  entendre au détriment parfois d'une musique de qualité.
TSP : Pour quelles 
                  raisons ne retrouve-t-on pas le doublage original dans les épisodes 
                  constitués de flash-back ?
                  CD : ça c'est un problème car 
                  on n'a pas les moyens de récupérer ce qu'on a 
                  fait des années auparavant, donc on est contraint de 
                  redoubler la totalité de l'épisode. Il nous est 
                  très difficile de retrouver les anciens doublages parce 
                  que tous les épisodes sont archivés aux états-Unis.
TSP : Est-ce que pour 
                  vous il y a certains épisodes qui sont plus difficiles 
                  à doubler ?
                  CD : Oh oui. Ce qui est le plus difficile à 
                  doubler c'est quand il y a des chansons, parce que c'est toujours 
                  difficile à faire, mais c'est malgré tout quelque 
                  chose qu'on adore faire. Il y a aussi les voix des personnages 
                  connus. Les comédiens essayent de s'en rapprocher le 
                  plus parce qu'on sait qu'il y a des fans qui y sont attentifs. 
                  Sinon, il y a aussi le travail sur les jeux de mots qui n'est 
                  pas toujours facile à trouver. A mon avis la série 
                  fonctionne bien parce qu'on est une équipe qui fait ça 
                  depuis le début. Si on la changeait aujourd'hui, vous 
                  n'auriez pas un résultat aussi bien parce que la série 
                  est quand même difficile à doubler, cela dit ça 
                  reste passionnant de travailler sur Les Simpson. Si on arrive 
                  à un aussi bon résultat c'est aussi parce que 
                  la Fox nous laisse carte blanche. J'ai le double de temps de 
                  travail sur le doublage des Simpson par rapport à n'importe 
                  quelque autre série.
TSP : Est-ce que vous 
                  avez déjà rencontré des gens de Gracie 
                  Films?
                  CD : Je suis le seul qui ait rencontré 
                  tout le monde car ce sont eux qui m'ont engagé. J'ai 
                  rencontré le frère de Matt Groening et les deux 
                  dessinateurs principaux qui sont venus en France avec Pauly 
                  Platt, la productrice déléguée.
TSP :  Qu'est-ce 
                  que vous vous êtes dit quand vous avez vu les Simpson 
                  la première fois ?
                  CD : J'avais jamais fait de télévision 
                  avant et j'ai accepté d'en faire donc je ne peux pas 
                  dire que j'ai eu une mauvaise impression. J'ai eu l'impression 
                  que c'était quelque chose de tellement nouveau que ça 
                  allait m'intéresser. Mais j'ai cru vraiment le faire 
                  juste pour 3 mois. Autant j'étais intéressé 
                  parce que c'était intelligent, satirique,... enfin tout 
                  ce que j'aime et tout ce que j'ai fait. C'était vraiment 
                  quelque chose à l'époque qui me passionnait. Mais 
                  je pensais que au bout d'une saison ça serait fini.
 » Cette interview a été réalisée 
                  par Neotheone 
                  le 21 septembre 2004 et retranscrite par Bart 
                  le Tombeur.