Affreux, sales mais pas méchants, les Simpson sont
sur tous les écrans. Cette série culte apparue
en 1989 et qui détient le record de longévité télévisuelle
pour un dessin animé passe en boucle sur la chaîne
W9 et fait, depuis le 19 mai, l'objet d'une rediffusion
intégrale sur M6 à raison de quatre épisodes
par week-end. Un jeu vidéo sur console est annoncé pour
très bientôt et, last but not least, un premier
long-métrage intitulé The Simpsons Movie sortira
en salle le 25 juillet. Avec leurs yeux globuleux, leurs mains à quatre
doigts et leur teint jaune citron, les Simpson, citoyens de Springfield
(l'un des noms de ville les plus communs outre-Atlantique), forment
une famille de prolos au grand coeur. Une antithèse caricaturale
et hilarante de l'image - caricaturale, elle aussi - de
l'Amérique cul-serré et réac.
Avant même sa sortie, The Simpsons Movie a provoqué un
joli scandale aux Etats-Unis après que Matt Groening,
le créateur de la série, eut dévoilé que
dans l'une des scènes, Bart Simpson (10 ans) apparaissait
fugacement dans le plus simple appareil. Il n'en fallait pas
davantage pour mettre en émoi les ligues de vertu et alerter
la commission de contrôle cinématographique qui,
fort heureusement, n'a pas interdit le film aux moins de 16 ans.
Bart, un affreux jojo parfois bas de plafond et volontiers
trash mais, finalement, brave garçon, a pourtant
déjà fait bien pire. Dans la série, qui
a fêté le 20 mai son 400e épisode et entame
sa dix-huitième saison, on l'a vu photocopier son postérieur,
fuguer, décapiter la statue du centre-ville pour impressionner
les lascars du coin ou vendre son sang pour se faire de l'argent
de poche. Et ce n'est pas son père, Homer Simpson, affalé devant
la télé à siroter des bières et avaler
des donuts, qui risque de lui servir d'exemple. Agent de sécurité dans
une centrale nucléaire appartenant à un milliardaire
pervers, Homer est un beauf attendrissant. Capable de soudains élans
de générosité paternelle, c'est aussi un
monument d'inconscience professionnelle et un gogo-consommateur
de première, toujours prêt à convoiter
ce que les publicités les plus bas de gamme cherchent à lui
vendre. Heureusement, les femmes relèvent le niveau. Avec
son inimitable voix de gorge, sa choucroute bleue, la très
déjantée Mme, Simpson, alias Marge, tient sa famille à bout
de bras et ne cache pas ses opinions démocrates alors
que Lisa, la petite intello, rêve à la paix dans
le monde.
Le plus réjouissant, c'est que cette série politiquement
très incorrecte, qui tourne en ridicule les méthodes
de recrutement de l'US Army et met en scène des businessmen
cyniques, a pris racine sur Fox TV, l'un des networks les plus
proches des milieux conservateurs. Plébiscités
par un public multigénérationnel, les Simpson appartiennent
désormais au patrimoine de l'Amérique - si
ce n'est de l'humanité. La preuve : seize villes
portant le nom de Springfield jouent des coudes pour avoir l'honneur
d'accueillir, fin juillet, la première du film.