The Simpsons Park : La
plupart des fans ne vous connaissent que pour votre interprétation
de Homer. Pouvez-vous brièvement nous raconter un peu
votre parcours ?
Philippe Peythieu : Je suis comédien depuis
1976. J'ai fait beaucoup de théâtre dans la décentralisation.
J'ai eu une compagnie avec Jean Grison qui a été
subventionnée en 1981, le Théâtre OS, et
avec laquelle on avait monté un spectacle qui avait marché
pendant deux ans et qui s'appelait Monsieur, monsieur, monsieur
d'après les textes de Jean Tardieu. Ensuite le doublage
est arrivé en 1984-85. J'ai pu bénéficier
d'un premier stage dans le cadre de la formation professionnelle,
mis en place par l'A.F.D.A.S. (ndlr : Assurance Formation des
Activités du Spectacle) et suite à ça j'ai
travaillé assez vite. J'ai commencé par des petites
choses comme des ambiances et petit à petit j'ai fait
des choses un peu plus importantes et j'ai surtout bénéficié
de la création de La Cinq, la chaîne de Berlusconi.
à partir de ce moment-là il a fallu doubler au
kilomètre du lundi au dimanche, même le soir. Je
me suis retrouvé dans des séries comme MASH
où j'ai doublé Alan Alda dans 250 épisodes,
Chérif fait moi peur où j'ai interprété
le personnage de Cletus. J'ai eu la chance d'avoir été
à la bonne école parce que j'ai pu travailler
avec des grands comédiens du dessin animé et qui
ont maintenant disparu. J'ai redoublé avec Claude Joseph,
Claude Nicot et Roger Carel tous les vieux dessins animés
de la Warner qui sont passés au début de ça
cartoon sur Canal+. J'étais jeune comédien
et j'ai beaucoup appris avec ces gens-là, notamment au
niveau de l'improvisation, de l'invention. C'était des
parties de rigolades à n'en plus finir. Après
il y a eu La loi de Los Angeles dans laquelle j'ai doublé
pendant 7 ans Corbin Bernsen, un acteur que je double d'ailleurs
encore aujourd'hui. Voilà ce sont les choses les plus
marquantes que j'ai doublé à cette époque,
ce qu'on appelait "L'âge d'or du doublage".
TSP : Donc avant cette
période, le doublage n'était pas très développé.
PP : Non, il ne l'était pas parce qu'il y
avait très peu de séries américaines. Il
y avait surtout les grandes séries comme Dallas,
Dynastie et Côte Ouest. à l'époque
il y avait que 3 chaînes télé donc le doublage
était circonscrit aux films et aux quelques séries
prestigieuses et par conséquent il y avait très
peu de comédiens de doublage. Moi, je suis arrivé
à l'époque où le doublage commençait
déjà à exploser. Il n'y avait pas Canal+
ni les chaînes du câble et satellite, et donc le
volume de travail dans le doublage était très
restreint, à l'exception des films qui sortaient mais
là encore il y en avait moins qu'aujourd'hui.
TSP : Et puis les
Simpson débarquent en 1990. Comment êtes-vous tombé
dedans ?
PP : En fait je suis arrivé à la fin
du casting qui d'ailleurs a été très exhaustif,
beaucoup de comédiens y ont participé dont Michel
Modo. Comme les productions françaises avaient de mauvais
éléments pour le casting, comme par exemple de
vagues dessins d'Homer avec un gros ventre et 3 cheveux, ils
ont casté des gens plus âgés, dans la tranche
des 60 ans, ce qui fait que les américains disaient toujours
"niet" et à la fin les producteurs de Gracie
Films se sont déplacés et j'ai eu la chance de
faire le casting à ce moment-là. J'ai fait des
essais sur une version mexicaine (ndlr : en espagnol),
c'était absurde parce qu'ils n'avaient que ça
comme éléments. Le producteur de Gracie Films
m'a dit "C'est pas un abruti total parce qu'il travaille
dans une centrale nucléaire. Il a des responsabilités".
Alors avec ces éléments j'en ai fait un personnage
un peu sérieux, d'ailleurs je ne revendique pas trop
le doublage d'Homer les trois premières années
puisque que sa voix était trop proche de celle du grand-père.
J'ai eu finalement le rôle sur le fameux "D'oh !"
américain qui commençait par un D. Ayant mal entendu,
j'ai cru que c'était un T ce qui donc devenu un "T'oh
!" en français. Le "T'oh !" vient du bout
d'essai et on l'a gardé au fil des années. J'ai
donc été choisi sur une série de "T'oh
!" (rires).
TSP : C'est quand même
incroyable qu'on vous ait fait passer le casting avec une cassette
en mexicain.
PP : Je pense qu'ils craignaient aussi le piratage.
C'est le cas aujourd'hui quand on travaille sur des grands films.
J'ai travaillé récemment sur un film pour Pixar,
The Incredibles (ndlr : Les
Indestructibles est réalisé par Brad
Bird, l'un des scénaristes des Simpson) qui doit
sortir au mois de novembre (ndlr : le 24 novembre). J'ai
fait "Monsieur l'œuf" sur une copie de travail
en noir et blanc avec inscrit "Property of Pixar".
Voilà, je crois que Les Simpson étaient top secrets
et que l'enjeu commercial était tel qu'on s'est retrouvé
avec des cassettes mexicaines !
TSP : Pourtant à
l'époque, je ne pense pas qu'ils avaient prédit
que la série ferait un tel carton.
PP : Non, ils ne savaient pas du tout.
TSP : Vous avez donc été
choisi pour interpréter Homer mais aussi Abraham et Otto.
Qui a déterminé que vous alliez interpréter
ces personnages.
PP : C'est Christian
Dura. Il a voulu gardé le principe de l'équipe
réduite et c'est donc pour cette raison qu'on joue plusieurs
personnages. Pour le grand père, c'était évident
que c'était la même voix que celle d'Homer, il
y a une forte ressemblance. Par contre Otto, c'est très
différent de la voix américaine puisque ce n'est
pas Dan Castellaneta qui le double. De même, Véronique
(ndlr : Augereau) double Patty et Selma et parfois même
la maman de Marge. Aurélia (ndlr : Bruno) fait Lisa
et Milhouse.
TSP : Il n'y a donc
que Joëlle Guigui qui ne double qu'un personnage, en l'occurrence
celui de Bart.
PP : Elle fait aussi Jimbo de temps en temps.
TSP : C'est donc les américains
qui ont décidé de vous prendre ?
PP : Oui, tout à fait.
TSP : Et est-ce qu'ils
ont eu du mal à trouver la bonne tonalité ?
PP : Non, parce qu'on était les plus proches
de la version américaine et c'est pour cette raison qu'on
a été choisis.
TSP : Ce qui est
dingue, c'est qu'ils ne comprennent pas forcément le
français, ça veut dire qu'ils ne fonctionnent
qu'à l'écoute ?
PP : Qu'à l'oreille, exactement. Pour tous
les essais que l'on fait, on essaie d'être le plus proche
possible de la version originale.
TSP : Je me rappelle qu'en
1990 lorsque la série a été diffusée
sur Canal+, c'était presque choquant parce qu'on n'était
pas habitués à voir ce genre de série.
Quand vous avez découvert la première fois Les
Simpson, quelle a été votre première réaction
?
PP : Quand on a fait les essais, je me suis
dit "ça ne marchera jamais en France". Des
personnages à la peau jaune avec des cheveux bleus ça
ne pourra pas marcher. En plus l'animation était très
sommaire. J'y croyais pas du tout.
TSP : à l'époque,
les moyens que vous aviez étaient les mêmes que
ceux d'aujourd'hui?
PP : Oui, on a toujours eu des moyens confortables
parce que dès le départ le budget nous permettait
de bien travailler.
TSP : Est-ce que c'est
Canal+ qui finance le doublage ?
PP : Non, Canal+ ne fait qu'acheter les droits
à la Fox qui elle finance la version française.
TSP : Si on revient
un peu aux personnages que vous doublez, est-ce que étiez
fier d'avoir été choisi pour doubler Homer sachant
qu'il était limité intellectuellement ?
PP : (Rires) Tout d'abord, pendant les trois
premières années, il n'était pas le personnage
principal de la série, c'était Bart. Devant la
levée de boucliers aux états-Unis, Matt Groening
a développé le personnage d'Homer parce qu'il
ne fallait pas que les enfants américains s'identifient
trop à Bart et à partir de là le personnage
d'Homer a prit sa véritable autonomie en anglais comme
en français. C'est à ce moment-là que les
scénarios ont évolué et qu'on a pu le voir
dans des situations un peu débiles et aussi constater
qu'il était un beauf total et sympa. Du coup la voix
que j'avais trouvé au départ a forcément
évolué tout comme l'animation qui s'est complexifiée
et la bande son enrichie. C'est donc à partir de là
que la série est devenue culte.
TSP : Comment la voix d'Homer
vous est-elle venue ? Est-ce que c'est suite à des conseils
que vous a donnés Christian Dura ou elle est venue naturellement
?
PP : Gracie Films m'avait juste dit qu'Homer est
un personnage qui parle dans la mâchoire et qu'il était
un peu proche du singe. En parlant avec la mâchoire, il
y a des intonations qui viennent naturellement et j'étais
aussi très proche de Dan Castellaneta, au niveau du timbre
de voix.
TSP : Comme vous
le savez, des vrais fans francophones, Homer prend vraiment
son envol à partir de la 4ème saison. Est-ce que
vous seriez prêt si jamais on vous proposait de redoubler
les premières saisons ?
PP : Complètement. ça dépend
de la Fox, mais à mon avis ça ne se fera pas parce
que ça coûterait trop cher et puis ça marche
bien comme ça.
TSP : Et puis Fox France
ne semble pas trop s'y intéresser.
PP : Non, pas vraiment parce que les DVD se
vendent bien dans la zone francophone, ils savent bien que la
version française accroche. Mais bon de là à
redoubler les trois premières saisons, je ne pense pas.
Et puis c'est comme le dessin et l'animation qui ont évolué.
D'ailleurs il y a des épisodes que j'aime bien, ceux
dans lesquels on montre les débuts des Simpson sur d'anciens
dessins en noir et blanc, un peu tremblotants. Je crois qu'il
faut prendre la version française de la même façon.
TSP : Est-ce que
vous avez une marge d'improvisation pendant le doublage ou est-ce
que vous êtes tenu de respecter vraiment la traduction
de Juliette Vigouroux et Alain Cassard à la lettre ?
PP : Oui, bien sûr parce qu'il ne faut
pas que ce soit une trahison de l'œuvre originale mais
dès l'instant où l'on reste dans l'esprit des
Simpson, on peut se permettre d'améliorer leurs textes.
C'est d'ailleurs ce qui a fait le succès de la version
française. On a trouvé des gimmicks qui revenaient
assez souvent, comme le "pinaise" qui était
écrit "punaise" au début. Il parle d'un
"pitit", de la "bibiliothèque", un
mot qu'il n'arrive pas à prononcer parce qu'il est compliqué.
ça c'est propre à la version française.
C'est vrai que ce sont des petits trucs que j'ai amenés
dans l'interprétation d'Homer. Les mots sont écrits
normalement sur les scripts et à partir du moment où
je les joue différemment Juliette et Alain les traduisent
comme je les ai interprétés. Je pense que ça
reste dans l'esprit, c'est pas une trahison. Par exemple, dans
un épisode (ndlr : Tennis
la malice) il y avait des allusions à André
Agassi et à Venus Williams, moi j'en ai fait à
Barthez parce qu'on était en pleine coupe du monde et
à Amélie Mauresmo. Dans un épisode où
Bart mettait des chemises un peu bizarres et Homer avait peur
qu'il soit gay (ndlr : La
phobie d'Homer, mais l'allusion à Loana est en
fait dans Homer
fait la grève de la faim), on avait parlé
de Laona au lieu de Loana. Voilà, ce sont des petits
trucs qui suivent l'actualité et qui permettent de dater
les épisodes. Je pense que c'est aussi bien de s'approprier
la culture française et ce n'est pas trahir pour autant.
TSP : Comment vous préparez-vous
avant une séance de doublage ?
PP : On découvre le texte quand on arrive.
Je ne sais même pas de quoi parlent les épisodes
qu'on doit doubler. Mais on connaît tellement bien les
personnages que ce n'est pas un problème. Il nous arrive
même de travailler dans le désordre pour des raisons
de disponibilité de comédiens.
TSP : Est-ce que pour
vous Homer est un personnage difficile à doubler ?
PP : Oui. Déjà la veille, on
se couche tôt, surtout pour Marge. Comme ce sont des voix
assez projetées, notamment celle du grand-père
qui est sourd et qui parle un peu plus fort. Si on a fait la
bringue la veille, la voix ne tient pas la journée. ça
m'est d'ailleurs déjà arrivé d'annuler
un enregistrement l'après-midi parce que ma voix ne tenait
pas la route. Véronique, ça lui est déjà
arrivé trois fois ! Une journée de Simpson c'est
très fatiguant parce que ce sont souvent des voix projetées
et en plus, c'est très précis au niveau de l'interprétation.
ça demande beaucoup de précision et de concentration.
TSP : Comment faîtes-vous
lorsque vous devez doubler deux personnages qui se parlent dans
une même scène ?
PP : ça dépend, quand c'est pas trop
compliqué à faire je les enchaîne sinon
de façon générale, on enregistre Homer
sur une piste et Abraham ou Otto sur une autre.
TSP : Est-ce qu'il
vous est déjà arrivé de faire du mimétisme
avec Homer inconsciemment?
PP : Oui, ça m'arrive quand je suis
en voiture dans les embouteillages, je gueule comme un beauf
"Bouge ta chiotte !" (Avec la voix d'Homer). ça
me défoule (rires).
TSP : Avez-vous déjà
profité de votre voix pour faire des blagues téléphoniques
?
PP : Non jamais. Peut-être qu'en caméra
cachée ça serait rigolo !
TSP : Est-ce qu'il vous
est déjà arrivé qu'une personne vous fasse
remarquer que vous avez la même voix que Homer ou vous
aborde pour vous demander un autographe ?
PP : Non, jamais car on travaille dans l'ombre.
On n'est pas très médiatisé, sauf depuis
la 15ème saison, peut-être !
TSP : Mis à part
Homer, vous doublez également les personnages du grand-père
et de Otto Bus. Est-ce que vous auriez eut envie de doubler
d'autres personnages ?
PP : Non, pas vraiment car Homer est déjà
un personnage déjà très présent.
TSP : Qu'est-ce que vous
ressentez pour ces personnages ?
PP : J'ai beaucoup d'affection pour Homer, en plus
c'est un personnage qui me fait rire. J'arrive à prendre
suffisamment de recul pour me dire que ce n'est pas moi qui
le double et ça me fait rire franchement quand je revois
des épisodes. C'est le seul personnage que je double
qui me fait cet effet. Les gags sont inattendus et ça
me fait plus rire qu'un film comique. Il y a tellement de trouvailles.
J'ai beaucoup aimé par exemple l'épisode dans
lequel Homer mange un champignon hallucinogène (ndlr :
Le mystérieux
voyage d'Homer). Celui-là est génial,
il m'a fait mourir de rire : Homer qui cherche son karma (rires),
il y avait des références à 68, à
toute l'époque baba cool. Il y a aussi un épisode
avec des scènes érotiques avec Marge. C'est un
épisode caché, ce qu'on ne vous a pas montré
dans Les Simpson (ndlr : 138ème
épisode, du jamais vu !). Il y en a aussi un
très drôle dans la nouvelle saison. Les Simpson
vont à Londres (ndlr : Homer
entre dans la reine) et rencontrent Tony Blair et J.K.
Rowling, Homer renverse le carrosse de la reine, il est condamné
par un juge qui porte la perruque et il le prend pour une grand-mère
(rires).
TSP : Il y a des scènes
qui me reviennent et qui me font rire, notamment la scène
où Homer est dans l'espace et il mange des chips sur
la musique de 2001
: L'Odyssée de l'espace.
PP : Oui, c'est à mourir de rire.
TSP : Combien de temps
vous consacrez chaque année au doublage de la série
?
PP : ça nous prend 10 jours de travail. On
enregistre 2 épisodes et demi par jour, mais uniquement
avec la famille et on passe environ 3 heures par épisode
quand tout fonctionne bien.
TSP : Votre voix
est aujourd'hui célèbre en France et dans les
autres pays francophones grâce aux Simpson. Est-ce que
le succès de la série vous a ouvert d'autres portes
?
PP : Oui, la série m'a un petit peu servi
de carte de visite dans la mesure où les gens de la publicité
s'en sont emparée un petit peu. Et puis le fait de faire
la voix de Homer Simpson dans une séance de pub, ça
impressionne toujours les gens. On va peut-être assister
au festival d'Annecy l'année prochaine. On devait le
faire cette année parce qu'il était question que
Matt Groening vienne mais ça ne s'est pas fait. L'année
prochaine, on va essayer de faire quelque chose de plus médiatique.
TSP : Matt Groening devait
venir ?
PP : Oui, il était question qu'il vienne.
TSP : Vous êtes
également directeur artistique sur des doublages.
PP : Oui, je dirige en ce moment la 3ème
saison de 24
heures chrono. Je fais de plus en plus de direction
artistique ce qui ne m'empêche pas de faire l'acteur.
Je double Danny De Vitto, Mark Harmon (ndlr : Chicago
Hope), Corbin Bernsen (ndlr : La Loi de Los Angeles)
et il y en a aussi pleins d'autres !
TSP : Est-ce que vous
êtes souvent invité dans des émissions télé
ou radio ?
PP : Là ça a un petit peu bougé,
on a participé récemment à l'émission
Drôles d'équipes sur M6. On a aussi été
invités sur quelques émissions radio comme celle
de Ruquier (ndlr : On va s'gêner) l'année
dernière. C'est Raphaël Mezrahi qui nous avait invités
parce qu'il est fan des Simpson. Comme Ruquier ne connaît
pas la série, on a fait un bide. à chaque fois,
Mezrahi essaie de nous placer, il nous avait aussi invités
à France Inter (ndlr : Dans une heure je mange
chez ma mère le 25 août 1999), c'était
plutôt sympa parce que c'était plus radiophonique.
TSP : Est-ce que vous
avez déjà rencontré les gens de la production
ou les doubleurs américains ?
PP : Jamais, on a aucun contact, on le regrette,
peut-être cela se fera-t-il ?
TSP : Après
15 ans sur la série, on sent que vous prenez toujours
autant de plaisir à doubler vos personnages, pourtant
la série a pas mal évolué. Comment percevez-vous
l'évolution de la série ?
PP : Je trouve qu'elle est toujours aussi critique
vis-à-vis de Bush, et depuis la guerre en Irak, elle
l'est encore plus vis-à-vis des républicains.
à Hollywood, c'est quand même les démocrates
qui sont majoritaires. Le politiquement incorrect se sent et
ça c'est plutôt bien. Les épisodes que j'aime
le plus et que je trouve par dessus tout attachants sont ceux
qui ont trait à la cellule familiale, aux rapports parent-enfant,
parce qu'ils parlent à toutes les générations,
ce qui fait que la série plait aux plus petits comme
aux plus grands et puis ça nous parle en France comme
aux états-Unis. Par contre les épisodes où
il y a des références typiquement américaines
comme ceux avec le football américain ou le baseball
nous parlent un peu moins.
TSP : Est-ce qu'il y a
des répliques que vous n'auriez pas eu envie de doubler
?
PP : Non, j'en ai pas le souvenir. Des fois, il
y a des gags qui fonctionnent mal en français et on essaie
de les modifier pour qu'ils soient plus percutants.
TSP : Le doublage de la
série est une vraie réussite. Est-ce qu'elle est
due à la complicité que vous partagez avec les
acteurs, notamment Véronique Augereau qui est votre femme.
Est-ce que vous connaissiez les autres acteurs avant la série
?
PP : Oui, on se connaissait tous avant. Je connais
Christian Dura depuis plus de 20 ans maintenant.
TSP : La licence des Simpson
est une des plus rentables. Est-ce que vous touchez des royalties
sur les produits dérivés qui sont vendus en France?
PP : Non, rien du tout.
TSP : Si ce n'est pas
trop indiscret, pouvez-vous nous dire combien vous êtes
payés pour le doublage de la série ?
PP : C'est dérisoire dans la mesure où
on dépend d'une convention collective où tous
les acteurs sont payés le même tarif. Plus on parle,
plus on est payé. Le prix est fixé à la
ligne, qui représente 50-55 signes et qui est rémunérée
34 francs depuis 1994. Et depuis on n'a jamais été
augmenté !!
TSP : Vous êtes
certainement au courant que les doubleurs de la série
Friends ont essayé de demander une augmentation.
PP : Oui mais ça n'a pas marché parce
qu'en fait c'était la dernière saison et France
2 n'a pas voulu céder. Peut-être qu'ils n'ont pas
engagé la négociation dans les meilleures conditions.
TSP : Les doubleurs américains
ont justement demandé une augmentation et ils l'ont obtenu.
PP : Oui, ça correspond à 300 000
euros par épisode. Ils ont calculé ce que la série
rapportait notamment avec les produits dérivés.
TSP : Depuis quelques
années la Fox sort les saisons complètes en DVD.
Est-ce qu'ils vous ont contacté pour d'éventuels
bonus ?
PP : Non jamais, je trouve ça un peu dommage.
Par contre, j'ai été contacté pour faire
la pub pour la sortie du DVD, mais c'est tout.
TSP : Pourriez-vous nous
expliquer selon vous les raisons pour lesquelles Les Simpson
sont plus populaires dans d'autres pays européens comme
l'Espagne ou la Belgique qu'en France ?
PP : En Belgique, c'est la version française.
Je crois que la version espagnole est pas mal, la version allemande
est une catastrophe, ça ne marche pas du tout, ce n'est
pas dans leur esprit.
TSP : La Fox organise
dans les pays anglo-saxons des spectacles "In the flesh"
qui consistent à regrouper toute l'équipe du doublage
et technique et de doubler un épisode en direct devant
des spectateurs. Pensez-vous qu'un jour on pourrait voir ça
en France ?
PP : Pourquoi pas ? ça serait rigolo. On
pourrait faire ça au Grand Rex (ndlr : cinéma
mythique de Paris).
TSP : Est-ce que vous
essayez d'être proche des fans des Simpson ?
PP : Non, ça se passe au jour le jour. On
reçoit parfois des appels très gentils de personnes
qui nous félicitent. On fait aussi des séances
de dédicaces de DVD et c'est plutôt sympa quand
on a des retours alors qu'on travaille dans l'ombre. Sinon,
on va retourner au salon du jouet au mois de novembre.
TSP : Est-ce qu'il
y a des projets que vous souhaiteriez voir se réaliser,
comme par exemple des albums de chansons qui sont sortis aux
états-Unis. Est-ce que vous vous prêteriez au jeu
de reboubler les chansons ?
PP : Tout à fait. J'y avais pensé
à un moment donné. J'avais avancé le projet
parce qu'il y avait le rap d'Homer. J'avais lancé l'idée
mais on s'est heurté à des problèmes de
droits et on a laissé tombé. ça aurait
pu être bien de sortir un single, en se donnant les moyens,
avec la version française d'Homer. On a quand même
eu quelque chose sur le disque de Doc Gyneco (ndlr : la
chanson C'est
nous de l'épisode Homer
le grand a été utilisée sous le
titre L'interlude des Simpsons dans l'album Liaisons
dangereuses).
TSP : Vous avez aussi doublé
des jeux vidéo. Comment ça se passe ?
PP : On en a effectivement doubler deux (ndlr :
The Simpsons
Skateboarding et The
Simpsons Hit & Run). Le doublage est par contre
plus fastidieux parce qu'on enregistre des fichiers sans avoir
les images correspondantes. Il y a juste un timing à
respecter.
TSP : Est-ce qu'il
vous arrive de revoir des épisodes chez vous et est-ce
que vous les enregistrez ?
PP : Oui je les ai enregistré jusqu'à
la 10ème saison et après j'ai laissé tombé
parce que Canal+ diffusait dans n'importe quel ordre, j'en ai
eu ras-le-bol. Maintenant il y a les DVD qui sortent.
TSP : Est-ce que vos enfants
sont fiers d'avoir un père qui ressemble presque à
Homer ?
PP : Oui, ils sont très fiers et sont fans
de la série. J'ai une fille qui a 22 ans et c'est vrai
qu'au lycée, ça a toujours été "Ah,
ton père fait Les Simpson.", "Tu dois vivre
dans un dessin animé, ça doit être génial.".
TSP : Ils sont également
intéressés par le doublage ?
PP : Oui, mais il n'en font pas. On n'y tient pas
trop. On a une fille qui a 10 ans et demi, si elle a une vraie
demande, pourquoi pas ?
TSP : Quelle est
votre actualité ?
PP : Je vais terminer au mois de septembre
la 3ème saison de 24 heures chrono. Sinon, il
y a également Edgar de la cambriole qui va sortir
au mois de septembre, le DVD collector et il y a un petit reportage
sur la version française dans les bonus.
TSP : Est-ce que vous
avez un épisode préféré ?
PP : Oui, mon épisode préféré
c'est Le
mystérieux voyage d'Homer, et j'aime bien lorsque
Homer passe dans la troisième dimension en image de synthèse
(ndlr : Les
Simpson Spécial Halloween VI). J'aime aussi les
Halloween en général, sauf quand il y a les aliens.
TSP : Pour finir,
nous vous avons préparé un petit quiz pour tester
vos connaissances Simpsonesques. Comment s'appelle le magasin
où travaille Apu ?
PP : Je ne sais pas. Le bazar ?
TSP : C'est le Mini-marché.
Quel est le nom de famille de Milhouse ?
PP : Van Houten.
TSP : Qui est Cletus ?
PP : C'est pas un copain de Barney ? Il travaille
à la centrale avec Homer.
TSP : Non, c'est le
pèquenaud. Dans quel genre
de magasin travaille Ned Flanders ?
PP : Il travaille dans un magasin pour gauchers.
C'est rigolo aussi le fait qu'ils aient fait mourir la femme
de Flanders.
TSP : Oui, certains
fans se demandent si c'était vraiment utile. Dans
quel épisode Homer dit à Lisa "Lisa, je sais
que les petites filles de ton âge veulent rouler en limousine
mais les pères doivent savoir dire non parfois. Tu vas
devoir prendre le bus." ?
PP : Non je ne vois pas.
TSP : C'est dans l'épisode
Le bus fatal.
PP : Ah, d'accord.
TSP : Merci encore de nous avoir
accordé cette interview.
» Cette interview a été réalisée
par Neotheone
et Bart le
Tombeur le 6 juillet 2004.