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Dans Les frères ennemis (s8) lorsque Cecil perd l'argent contenu dans la mallette, une scène coupée montre Hans Taupeman en bas de la falaise qui récupère le tout.

Les Simpson à la TV

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Télérama du 19 mai 2007


Les perdants gagnants

Parodie décapante de l'"american way of life", la série va enfin être adaptée au cinéma. Portrait d'une famille de losers qui connaît depuis plus de vingt ans un succès étonnant?

Ils sont jaunes (plus rarement verts?), leurs mains ne comptent que quatre doigts, et pourtant ce sont bien des humains. Et même des membres éminents de la société américaine moderne ! Marge, la mère de cette petite famille de Springfield, Etats-Unis, a la chevelure bleue, coiffée en pièce montée. Homer, le père, traîne un ventre bedonnant à force de boire des bières (des Duff) au bar du coin (chez Moe) et de se goinfrer de beignets. Le fils, Bart, est un petit morveux dont le QI ne dépasse pas les décimales. Sa s?ur Lisa semble être la seule à avoir hérité d'un cerveau bien irrigué. Il est encore trop tôt pour miser sur l'intellect de Maggie, la petite dernière. Elle ne parle pas et suce frénétiquement la même tétine. Depuis bientôt vingt ans.

Les Simpson, dont le 400e épisode est diffusé ce mois-ci outre-Atlantique, détiennent le record de longévité des sitcoms sur le petit écran américain. Et pour leurs nombreux fans, l'événement de l'année sera sans conteste, en juillet, la sortie - maintes fois retardée - du film consacré à la famille la plus névrosée des USA. Un secret absolu entoure cette énorme production qui attise nombre de rumeurs sur Internet. A ce jour, une seule a été confirmée : oui, Bart Simpson dévoilera bien dans le film « une partie de son anatomie ». Matt Groening, le créateur du dessin animé, est injoignable et, d'après son agent, n'a même plus le temps de dormir tellement il travaille sur la version XXL de sa série. Quant à la vingtaine de scénaristes, issus pour la majorité de la prestigieuse université Harvard, ils ne sont pas autorisés à ­répondre aux questions des journalistes. La chaîne de télé Fox veille jalousement sur son bijou, qui lui a rapporté des records d'audience - jusqu'à 15 millions de téléspectateurs - et a ­dégommé du petit écran une autre famille américaine, rivale, The Cosby Show.
Selon la légende, Matt Groening aurait dessiné en un quart d'heure sa tribu jaune, donnant tout bêtement à chacun de ses membres les prénoms des membres de sa propre famille. Il a juste changé le sien, choisissant de s'appeler Bart (variation de Brat, « petit merdeux », son surnom à l'université). Il a alors 31 ans, et son coup de crayon, aussi fugace qu'efficace, va donner naissance au « meilleur dessin animé du siècle » (dixit le magazine Time), diffusé dans le monde entier en vingt-six langues.

Les Simpson apparaissent pour la toute première fois en 1987, dans une émission de variétés, le Tracey Ullman show, sous la forme de sketchs de deux minutes à peine. James L. Brooks, un des producteurs, négocie d'entrée un contrat d'indépendance absolue avec la Fox : la chaîne n'a pas son mot à dire sur le contenu des épisodes. La série s'assure ainsi une liberté inouïe sur le réseau du très conservateur Rupert Murdoch. « L'arrivée des Simpson à l'écran a eu le même effet que la diffusion d'un morceau de musique punk à la radio ! » raconte Chris Turner, auteur d'un livre (1) sur le sujet. « La série a révolutionné la télé en rendant la satire populaire. Elle a inventé un langage, une façon de voir le monde qui détonne dans l'univers lisse des médias américains. Elle a ouvert la voie à toute une nouvelle génération de programmes, de South Park au journal satirique The Daily Show. » Robert Thompson, directeur du Centre d'étude de la télévision populaire à l'université de Syracuse, va encore plus loin et place les Simpson au même niveau de génie que Mark Twain et Chaplin. « La qualité d'écriture et le degré d'humour sont à un niveau d'excellence sans précédent, et encore jamais égalés à la télé ! »
Le premier épisode est diffusé en 1989, et contient déjà toutes les marques de fabrique de la série : humour grinçant, références à la culture populaire américaine (films, chansons, sports?) et, en creux, une critique acide du conformisme ambiant. Depuis le début, la scène d'ouverture repose toujours sur les mêmes images : Bart est au tableau (mais le texte qu'il écrit est différent à chaque fois), Lisa joue un morceau au saxo (jamais le même), Marge et Maggie sont au supermarché (la somme de 847,63 $ s'affiche lorsque sa mère passe sa fille par erreur à la caisse : le coût moyen mensuel de l'éducation d'un enfant aux USA), Homer quitte en trombe son poste à la centrale nucléaire de Springfield. Tous échouent, en rang d'oignons, dans le canapé du salon, devant leur télé. Pour y végéter de longues heures : tout dans la vie des Simpson est une parodie du fameux american way of life. Homer et Marge ont chacun une voiture et vivent dans un petit pavillon tranquille. Le cliché pourrait être parfait, mais les Simpson ne sont pas comme leurs voisins, les Flanders, à qui tout réussit. Eux sont des « losers », des perdants. Homer n'aime-t-il pas répéter : « Essayer est un premier pas vers l'échec ! » Le monde vu par les Simpson, c'est le rêve américain la tête à l'envers. Une satire parfois glaçante de la société de consommation. « Tous les sujets et interrogations de notre temps y passent, poursuit Chris Turner, le rôle des médias, la crise écologique, l'éducation des enfants, l'homosexualité. »
Le mode de vie et les réflexions existentielles de ces êtres jaunes constituent même, pour certains, une sorte de philosophie moderne ! Dans plusieurs universités, on étudie la pensée de Lisa et les répliques de Bart au même titre que les écrits de Thomas More et Jean-Jacques Rousseau. Andrew Wood tient ainsi un cours à l'université de San Jose (Californie) intitulé « Les Simpson comme science sociale. » Le visionnage d'épisodes en début de chaque cours sert de point de départ à une réflexion sur l'utopie, le capitalisme ou la religion. « Les Simpson sont une référence commune à tous mes étudiants !, explique le professeur. Il m'est beaucoup plus facile de les amener au Prince, de Machiavel, en le comparant au personnage de Burns, ou encore de les inciter à lire Candide, de Voltaire, en évoquant les états d'âme de Homer. »
Dix-huit saisons plus tard, et même si certains puristes regrettent un certain âge d'or (disons de 1992 à 1997), les Simpson font partie intégrante de la culture américaine. L'expression « D'oh? », chère à Homer, est ainsi entrée dans le dictionnaire de langue anglaise en 2001 : « Onomatopée à utiliser en toutes circonstances, en particulier lors d'incompréhension ou de surprise. » Bart, qui avait fait trembler l'Amérique conservatrice au tout début, et dont les T-shirts à son effigie avaient même été interdits dans les lycées, est aujourd'hui l'icône punk la plus commercialisée du pays ! Surtout, les Simpson incarnent à eux seuls un antidote à l'Amérique des Bush. Le père avait déjà mis en garde les téléspectateurs contre ce dessin animé provocateur, en lâchant cette phrase, devenue célèbre : « Nous allons faire en sorte que la famille américaine ressemble davantage aux Walton (série sur une famille modèle de sept enfants pendant la Grande Dépression, ndlr) et moins aux Simpson ! » La réplique de Bart le teigneux, quelques épisodes plus tard, est devenue culte : « Nous sommes comme les Walton, nous aussi, nous prions pour la fin de la Dépression ! » Il n'y a désormais plus de doute : l'Amérique des Simpson est aujourd'hui bien plus populaire que celle de George Bush? .

(1) Planet Simpson : How a cartoon masterpiece defined a generation, Random House Canada, 2004.

Emmanuelle Dasque - N° 2992


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